D’abord des cailloux chauds dans les poches. Ensuite le journal plié en quatre que je coince entre mon pull et mon anorak, tant bien que mal, retenu par la ceinture de ma jupe. Ce petit monde ne suffit pas à me réchauffer les mains et la poitrine. Arrivée au collège, quelle honte lorsque je déballe ce saint-frusquin pour l’entreposer dans les sacoches de mon vélo. Pour échapper aux risques de ce froid excessif et pallier les sept kilomètres que j’effectue deux fois par jour, mes parents ont l’heureuse idée de louer une chambre, dans un petit hôtel, à quelques enjambées du collège. La semaine précédant l’offensive de froid, le professeur de sciences naturelles qui a souvent des fantaisies impérieuses, demande qui peut apporter un lapin en classe. Je lève le doigt. C’est dimanche soir, mon père nous conduit et nous installe pour une semaine à la ville, ma sœur et moi, plus le lapin. Voilà pourquoi nous nous trouvons dans ce pensionnat de luxe, avec un lapin encagé qui réclame une partie de sa pitance hebdomadaire, qu’évidemment nous avons apportée. Voir Abbé Pierre, Albert Simon, Emmaüs.
Extrait de Abécédaire des années cinquante. Bernadette Coltice.