Anti cyclone sur le Groenland. La rudesse de l’hiver tombe sur la France comme un couperet dans la nuit du trente et un janvier au premier février. Offensive de froid sur toute la France qui dure un mois. Le froid sévit. Moins dix-sept à Paris. On attrape des engelures aux pieds et aux talons. On a les doigts gourds et le bout du nez gèle. Les maisons se refroidissent. On ne se réchauffe jamais dans la journée. Même les fenêtres gèlent, dentelées de paillettes de givre. Embuées, elles servent de support pour dessiner, écrire, exprimer un message secret que l’on efface vite d’une paume de main. Dans les journaux, la vague de froid fait la une au côté du gouvernement Guy Mollet. Boulganine et Eisenhower ne font pas le poids face au froid qui tyrannise, qui tue. Dans les foyers, on se gargarise des chiens écrasés des journaux relatant les faits divers et même d’hiver. La langue d’un enfant de six ans reste collée sur une vitre. Les lèvres d’un agent de police sont emportées par son sifflet. Tous les oliviers périssent et il faudra vingt ans pour qu’un nouvel olivier soit productif. Vingt ans ! Quand on en a treize, vingt ans, c’est toute une vie. Le froid et la neige compliquent la vie quotidienne, les sans-abri meurent, les villes s’engourdissent, les fleuves s’immobilisent, les fontaines se pétrifient, les cascades sont de glace et les façades des maisons se transforment en stalactites à cause des canalisations qui éclatent. La terre gelée au point qu’elle ne peut être creusée pour enterrer les morts. L’Europe est glacée mais magnifique.