« C’est un vieux monsieur qui s’appelle monsieur de Voltaire »
Lors de la naissance de sa sœur Blanche-Hermine, le 24 avril 1808 Edgar est en pension près de Bouvent. Tout ce qui le surprend relève du miracle et il se pose les questions existentielles. D’où vient cette enfant et comment l’a-t-on faite ? Aucune réponse ne lui paraît satisfaisante sauf celle de cette servante qui lui répond que les enfants se fabriquent avec de la farine de froment détrempée que l’on fait chauffer sur un feu de cendres. Ceux qui sont trop roussis deviennent noirs comme l’encre. C’est évident et cette réponse plait à l’enfant dont l’imaginaire est bien présent en lui.
Edgar a une philosophie de magicien qu’il conservera. En tout cas, il apporte une once de magie dans le moindre événement.
Enfant précoce, il demande un jour à ses parents quelle est la personne qui a le plus d’esprit au monde. « C’est un vieux monsieur qui s’appelle monsieur de Voltaire » répond sa mère. Et l’imagination du petit garçon se met en route, imaginant M. de Voltaire comme un homme, vieux et non ingambe qui ne se montre plus en ville et ne peut rendre visite à ses parents à cause de son grand âge. A partir de ce moment-là, il s’intéresse à ce personnage d’une manière singulière, comme celle d’un enfant qui se demande pourquoi M. de Voltaire ne se déplace pas pour lui rendre visite. A neuf ans, sa curiosité pour le grand homme s’attisera d’une autre manière alors qu’il accordera toute son attention aux lectures de sa mère sur les « tragédies de Voltaire ». Plus tard, il s’autorisera à critiquer, à mépriser le célèbre Voltaire à qui, tout de même, il attribuera le mérite d’avoir été un des piliers du siècle de l’esprit.
S’il peut se faire une représentation de Voltaire, il n’en est pas de même pour celle de l’Empereur dont il entend citer le nom pour la première fois hors des murs d’enceinte de la maison familiale où son nom même est banni. « Mon père haïssait le maître du monde d’une haine qui n’a peut-être jamais été égalée ».
Le mutisme de ses parents pour Napoléon ne le rend pas si ignorant que cela. Edgar qui ne trouve pas auprès d’eux tout l’aliment nécessaire à ses futurs concepts s’en va le puiser ailleurs. C’est comme cela qu’enfant encore, il devient « bonapartiste dans une maison où on l’était si peu ».
Comme d’autres enfants de Certines, à sept ans, il faillit mourir d’une fièvre. Lorsqu’il s’en réveille, il ressent qu’il est à l’aube d’une nouvelle naissance. Certes, il ne met pas de tels mots sur cette conception de l’éclosion, tout au plus parle t-il de ce qu’il éprouva à ce moment-là.